Innover ou copier pour lancer un business web
18 mars 2022
— Entrepreneuriat
Lorsqu’on souhaite lancer un business web mais qu’on ne sait pas exactement quoi, on peut se poser la question du choix entre le projet innovant et la copie. Alors, est-ce qu’on a plus d’intérêt à suivre les autres, à imiter la foule ? Ou plutôt à essayer de se distinguer, d’innover, de pas faire comme tout le monde ?
Dans la vie quotidienne, la plupart d’entre nous a tendance à faire comme tout le monde. Par exemple, la dernière fois que vous êtes allé au cinéma, avez-vous préféré le le film dont tout le monde parlais ? Ou avez-vous avez essayé un film nouveau ?
Prenons un autre exemple. En 1980, Bill Gates a signé un contrat juteux en vendant à IBM son système d’exploitation Microsoft Windows. Mais, en fait, Windows n’etait juste qu’un clone d’un autre programme créé 6 ans plus tôt par Gary Kildall, et qui s’appelait CP/M (Control Program/Monitor). Dans cette histoire, Kildall est l’innovateur, et Bill Gates est le suiveur. Comme on connait l’un plus que l’autre, peut-être qu’être le premier c’est pas une si bonne idée que ça…
Le dilemme d’exploration-exploitation
Le dilemme d’exploration-exploitation est introduit par James G. March (1991), chercheur à Stanford. Il présente la dualité entre :
- l’exploitation, qui « inclut des choses telles que perfectionnement, choix, production, efficience, sélection, implémentation, exécution. »
- et l’exploration, qui « inclut des choses comprises dans les termes tels que recherche, variation, prise de risques, expérimentation, jeu, flexibilité, découverte, innovation
Mais alors quelle est la démarche qui fonctionne le mieux ?
L’intérêt collectif
S’il n’existait que des suiveurs, toutes les activités existantes seraient optimisées et leur exploitation serait menée à 100%. Cependant, aucun progrès majeur ne verrait le jour pour notre société collective, à cause du manque d’innovations.
Et si on avait uniquement des explorateurs, de nombreuses découvertes seraient faites mais, sans exploitation. Les activités seraient vite rattrapées par le manque de rentabilité, et les entrepreneurs devraient fermer boutique.
Dans les deux cas, ce n’est pas optimal. Un juste milieu, par contre, permettrait l’apparition de progrès mais également leur exploitation ! Pour la communauté, l’intérêt collectif serait maximisé. Cependant, au niveau individuel des entrepreneurs, l’histoire est complètement différente.
L’intérêt individuel
Le risque le plus important, quand on est « explorateur », c’est l’échec total et donc de ne pas être récompensé pour ses efforts et investissements. Le taux d’échec est élevé et nombreux sont ceux qui n’innovent pas du tout. Pour les rares qui réussissent dans leur exploration, par contre, le retour sur investissement est très important.
Du point de vue individuel de l’entrepreneur, l’intérêt est donc probablement maximisé s’il se contente d’exploiter, pour assurer son activité et ses revenus.
A la marge de cette dualité, on peut penser aux comportements des suiveurs (en particulier les premiers suiveurs), qui bénéficient de la rente d’innovation lorsqu’elle existe, et ne sont que peu touchés par un échec !
Quelles innovations pour lancer un business web
Les termes d’exploitation et d’exploration sont conceptuels et abstraits. Alors, concrètement, on parle de quoi ? Pour nous sortir de cette théorie, nous allons voir quelques typologies d’innovation pour inspirer chacun d’entre vous à imaginer quel type d’innovation il pourrait mener pour son projet.
Les 10 types d’innovation de Doblin
Le designer industriel Jay Doblin a listé 10 types d’innovations, divisées en 3 grands groupes :
- Gestion interne de la compagnie : modèle d’affaire, réseau, structures, processus
- Offres de produits ou services : performance, système
- Expérience client et interactions entre l’entreprise et ses clients : services, canal, identité de la marque, engagement des clients
La structure du Business Model Canvas
Le Business Model Canvas est composé de 9 parties. En plus de permettre la structure de votre projet, vous pouvez également l’utiliser pour vous inspirer vos futures innovations :
- Groupes de clients : Qui sont vos clients ? Avez-vous bien exploré les segments que vous pouvez toucher?
- Proposition de valeur : Quelle est la valeur que vous proposez à vos clients ? Quels besoins pourriez-vous aider à combler en innovant un peu ?
- Relation clients : Quelles relations avez-vous avec vos clients ? Avez-vous exploité les différentes manières que vous pouvez utiliser pour interagir avec vos segments et améliorer leur expérience avec votre marque ?
- Partenaires clés : Avec qui collaborez-vous ? Qui sont vos partenaires importants ?
- Activités clés : Qu’est-ce que votre entreprise fait dans le quotidien pour apporter la valeur (et l’améliorer) à votre produit/service et la délivrer comme souhaité à vos clients?
- Ressources clés : Est-ce que les ressources dont vous avez besoins pour effectuer votre activité et délivrer votre proposition de valeur sont adaptées ?
- Chaîne de distribution :Pouvez-vous améliorer la façon dont vous atteignez vos clients avec votre proposition de valeur/produit ?
- Structure des coûts : Quels coûts votre projet engendre-t-il au quotidien ? Peuvent-ils être optimisés ?
- Sources de revenus : Comment tirez-vous profit de votre offre? Réfléchissez aux choses qui vous seraient le plus rentable et productif à recevoir.
Les innovations internes vs externes
Les innovations sont le résultat de phénomènes internes et externes, qui sont autant de sources possibles d’innovation. D’un point de vue interne, citons notamment :
- La R&D (recherche et développement), c’est-à-dire les activités menées pour augmenter les connaissances technologiques, culturelles… sous forme de recherche fondamentale dans des laboratoires, et de recherche appliquée et d’essais avec des prototypes.
- Le savoir-faire, les compétences des employés, l’exploitation des talents internes
- Les moyens financiers et ressources mises à disposition selon la structure
En externe, pour trouver des solutions novatrices, les sociétés peuvent s’appuyer sur :
- Les clients, utilisateurs, consommateurs…
- Des chercheurs, scientifiques, instituts de recherche…
- Les fournisseurs
- Les collaborateurs externes, consultants et partenaires
- L’analyse de la concurrence
Quelques stratégies possibles
Innover radicalement
Les innovations dites radicales sont rares car risquées à mettre en place. D’une part, le processus est généralement long et coûteux. D’autre part, il y a une importante incertitude quant à l’adoption de la nouveauté par le marché. En effet, les innovateurs radicaux ne répondent pas forcément à un besoin exprimé par le marché, au contraire. D’après l’OECD, de tels produits ont deux spécificités essentielles :
- Ils résultent de l’utilisation d’une technologie nouvelle
- Leur lancement produit de nouveaux usages
Les entreprises innovantes qui optent pour cette stratégie échouent fréquemment.
Innover petit à petit
Proposer des innovations mineures (incrémentales) consiste à améliorer constamment ce qui existe déjà. C’est la forme d’innovation la plus répandue car la prise de risque semble faible, et les gains intéressants :
- Satisfaire les consommateurs en leur proposant des produits toujours plus perfectionnés
- Augmenter les prix au fur et à mesure de l’innovation produit
- Continuer à se démarquer de la concurrence en adaptant telle technologie
- La faire durer plus longtemps et optimiser la production
- Minimiser les coûts et les investissements
Clayton Christensen, dans son livre « Le dilemme de l’innovateur », a constaté un phénomène récurrent dans les erreurs des grandes entreprises: à force d’améliorations incrémentales, les fonctionnalités du produit ne répondent plus aux besoins des utilisateurs, s’avèrent trop chers… Les clients se tournent alors vers les innovations adjacentes ou disruptives.
Ou alors, par peur de perdre leur rentabilité et de sortir du confort incrémental, les compagnies ne voient pas surgir l’innovation radicale. C’est ainsi que le spécialiste de l’industrie photographique, Kodak, a fait faillite face à l’essor de la photo numérique.
Copier super rapidement
Bon, les plus scolaires d’entre vous se souviendront que copier, c’est mal. Et si on appelait ça le social learning ? Ca sonne mieux hein !
En 2010, le chercheur Luke Rendell a publié Why Copy Others? Insights from the Social Learning Strategies Tournament . La publication s’appuie sur un tournoi expérimental autour du problème du bandit manchot : parmi une centaine de machine à sous, certaines font gagner les joueurs plus souvent que d’autres. Mais a priori, aucun moyen de savoir lesquelles sont plus gagnantes, à part en les essayant. Tour à tour, les participants du tournoi doivent en choisir une, soit une déjà essayée soit une nouvelle. Et les participants gagnent le nombre de point que la machine leur donne, tout en observant ce que les autres choisissent et gagnent. Le gagnant de ce tournoi a suivi la stratégie suivante : aucune exploration, seulement de la copie super rapide. Un super-suiveur !
Ok, l’analogie entre votre marché et une centaine de machines à sous est certainement bancale, d’autant plus que la répartition des machines gagnantes est aléatoire. Mais, ça peut vous inspirer !!
Le bon mix exploitation – exploration
Idéalement, il faudrait pouvoir consacrer un peu de temps à l’exploration et la prise de risque, par exemple entre 10 et 33% (soit entre une demi-journée et une journée et demie par semaine). Juste ce qu’il faut pour pouvoir se positionner comme un entrepreneur expert dans son domaine, sans manquer d’audace !
Evidemment, la recette n’existe pas, mais j’espère que d’effleurer le sujet pourra vous aider à lancer un business web !